Créativité et innovation en bref, quelques repères pour les penser

La créativité est « le moteur » de l’innovation. C’est un processus psychologique, ancré au cœur de l’humain, de chaque individu, qui échappe à une analyse rationnelle et au contrôle de son exercice.

Si ce processus trouve dans la vie de l’individu créatif : son passé, son milieu, sa culture, un terrain fertile à l’épanouissement de son talent, il se manifeste surtout par une « motivation intrinsèque » et un travail intense[1] pour lesquels la dimension affective est primordiale[2].

Ce processus repose sur le potentiel d’évolution et d’épanouissement inné que possède chacun[3]. Ses modes d’expression sont aussi divers que l’étendue de la diversité humaine. Il n’existe donc pas de véritable « méthode de créativité », c’est-à-dire un « ensemble ordonné de manière logique de principes, de règles, d’étapes, qui constitue un moyen pour parvenir à un résultat ».

Les mécanismes mentaux par lesquels la créativité s’exprime ne sont pas spécifiques d’un domaine particulier. Qu’il s’agisse d’art ou de science et technique, les facultés humaines en jeu sont de même nature.

Le modèle général du processus de créativité comprend quatre phases[4] : la préparation, l’incubation, l’illumination, la vérification. Les phases de préparation et vérification correspondent à une forme de travail classique[5] qui met en œuvre les facultés de logique, rationalité, mémorisation, … La phase d’illumination échappe à toute volonté d’en saisir rationnellement les déterminants. Elle est le « point d’orgue » du processus psychologique inconscient par lequel l’idée advient[6]. Quant à la phase d’incubation, elle correspond à un travail inconscient, donc inaccessible dans son déroulement, mais dont l’occurrence est liée à une démarche organisée de « dépaysement », qui peut être le résultat d’une volonté consciente[7].

Dés lors la question se pose des conditions d’amélioration des performances de ce moteur de l’innovation, en tant que processus opérationnel par lequel la créativité s’exprime pour faire advenir de la nouveauté, et cela avec d’autant plus d’acuité que l’innovation est au cœur de la vie de l’entreprise, et de l’économie en général[8]. Il s’agit alors de rechercher une démarche collective capable de mettre en synergie les talents individuels[9].

Organiser un travail collectif/collaboratif tendant à produire un résultat innovant, exige la mise en œuvre d’outils méthodologiques permettant à la fois de stimuler l’imagination individuelle, de favoriser les interrelations fertiles, d’élargir le champ des possibles, et d’en recueillir des fruits interprétables susceptibles d’innovations après « filtration » par un processus interne à l’entreprise visant à apprécier le résultat au regard des réalités concrètes du domaine considéré, et en vue de décision.

Ces outils sont largement connus et diffusés, depuis le classique « brainstorming » jusqu’aux « méthodes » les plus sophistiquées, reposant sur un « substrat mathématique » (type « CK ») ou utilisant des bases de données de solutions élémentaires du domaine d’étude concerné (type ASIT), ou encore tendant à rapprocher la démarche analytique de l’intuition (type « Design thinking »).

Ces outils méthodologiques reposent sur une approche structurée et formalisée utilisant en général « la pensée divergente » pour inventorier les solutions possibles, puis sur « la pensée convergente » pour retenir l’idée la plus adaptée au problème. Leur mise en œuvre se fait par l’entremise d’un expert qui guide et accompagne le déroulement des séances de travail collectif, généralement d’équipe pluridisciplinaire.

La pérennité de l’entreprise tient à sa capacité à créer de la valeur en répondant à un marché qui tend à ajuster l’offre et la demande. Si cela repose sur l’innovation, en tant que processus comme en tant que produit mis sur le marché, celle-ci doit refléter les engagements de l’entreprise dans son écosystème pour un développement durable à la mesure des enjeux que rencontre le contexte économique de notre époque. Désormais la « raison d’être » de l’entreprise épouse les problématiques planétaires du climat et de l’énergie, et sa capacité d’innovation engage l’humanité.

Fernand Maillet



[1] « Les formes de créativité » Howard Gardner

[2] « L’imagination créatrice » Théodule Ribot

[3] « Carl Rogers et la créativité » Le management intrapreneurial

[4] Ce modèle est dit « modèle de Wallas », psychologue anglais du XIX/XXème siècle

[5] Qui se manifeste par un état de « flow », c'est-à-dire de forte concentration et implication

[6] « L’insight », c’est à dire l’apparition soudaine d’une réponse à une question latente

[7] Cette démarche a, notamment été décrite par Henri Poincaré dans ses mémoires

[8] Schumpeter fait de l’innovation le déterminant de l’évolution de l’entreprise dans la mesure où il considère qu’elle repose sur « l’offre »

[9] Si l’existence d’une « créativité collective » est difficile à appréhender, celle d’une « innovation collaborative » se constate, et l’Histoire des inventions nous en fournit de nombreux exemples, dont celui de l’imprimerie par Gutenberg (et son équipe) : « L’innovation de rupture – Sur les traces de Gutenberg » Fernand Maillet. Des conférences didactiques montrent les principaux ressorts du processus de créativité.