La Biodiversité en bref : quelques repères pour la
penser
(Sources diverses)
La biodiversité[1] est
d’abord un ensemble d’éléments porteurs de ce que l’on nomme « la
vie », aussi bien végétale qu’animale. C’est aussi et surtout un système
dont la dynamique repose sur les interrelations de ses éléments entre eux, et
avec leur environnement, et avec lesquelles la vie a émergé en se
complexifiant.
Longtemps attribuée au divin, la vie, avec
l’apparition des espèces sur Terre, est devenue un sujet d’intérêt et d’étude
qui a suivi le cours du développement de l’esprit scientifique lequel
s’enracine dans le bouillonnement des idées de la Renaissance et des
changements de la vision du monde qu’elle a engendrés.
C’est Carl Von Linné qui a posé les bases, au
XVIIIème siècle, de la classification des espèces en établissant une
nomenclature des éléments qui accorde à l’ensemble du vivant un ordre
hiérarchique : classe, genre, ordre, niveau, espèce et variété. La ressemblance
entre deux entités est d’autant plus forte que l’on s’écarte du général en
allant vers l’espèce et la variété. Le classement est établi selon des critères
essentiellement morphologiques, et selon une vision encore imprégnée de la
Création biblique dans laquelle les espèces sont stables.
Au XIXème siècle Charles Darwin[2] bouleverse
cette vision en élaborant la théorie de l’évolution qui repose sur le processus
de la « sélection
naturelle », en rejetant toute intervention divine. La Nature
produit de la diversité génétique et sélectionne au travers du système
reproductif les individus les mieux adaptés à leur environnement avec le
principe de « l’hérédité
des caractères acquis ». En d’autres termes, c’est
l’environnement naturel qui favorise la reproduction des individus ayant des
caractères génétiques favorables à la pérennité de l'espèce. La théorie de
l’évolution a ainsi donné à la classification des espèces une profondeur
historique (généalogique), en intégrant l’étude naissante des fossiles
(paléontologie) jusque-là regardés comme des curiosités. Elle tarda à être
reconnue comme telle, et a fait l’objet, depuis le début du XXème siècle, de
nombreux apports conceptuels, dont la prise en compte d’un phénomène de complexification
croissante des organismes, et la réversibilité de certains caractères acquis
(l’épigénétique).
Au milieu du XXème siècle la nomenclature du vivant a
utilisé un concept nouveau : le « taxon », qui désigne le
regroupement d’entités possédant des caractères communs de toute nature
auquel est attribué un nom selon une codification internationale. Les règles de
classification des taxons font l’objet d’études spécifiques (la systématique).
A la classification traditionnelle issue de celle de
Linné, est maintenant préféré un classement par liens de parenté, mettant en
avant la notion de « dernier ancêtre commun ». Il s’agit de regrouper
les organismes vivants ou ayant vécus, issus d’un même ancêtre. Un tel groupe
arborescent est dénommé « clade ». Cette approche du vivant permet de
mettre l’accent sur l’évolution et d’élaborer un arbre phylogénétique[3] (montrant
les liens de parenté). En effet l’évolution a accompli des transformations qui
ont effacé, en apparence, certains liens de parentés : par-delà les
différences de sa morphologie, le poisson cœlacanthe présenterait des
caractères plus proches de l’Homme que de la truite, …
Au stade actuel des connaissances les organismes
vivants sont ainsi classés en trois clades : microorganismes
unicellulaires sans noyau (Archées ; présents dans divers biotopes,
intestin humain et des ruminants, plancton, cycle du carbone, …),
microorganismes unicellulaires sans noyau présentant des particularités
chimiques et génétiques (Eubactéries ; présentes dans tous les
écosystèmes, bactéries parasites pour l’Homme ou non), et microorganismes
unicellulaires et pluricellulaires avec noyau (Eucaryotes[4] ;
espèce humaine, animaux, champignons, fougères, …).
De ces trois clades la recherche actuelle tente
d’identifier lesquels partagent un ancêtre commun. Toutefois toutes les
démarches pour dresser « l’arbre de vie », aussi riches en descriptions et
explications offrent-elles, font l’objet de controverses, notamment parce que
l’évolution accorde aussi une place au hasard et à des mutations qui ne
présentent aucun caractère adaptatif.
Cette approche rejoint le périmètre de la biologie[5] qui
est la science du vivant, depuis le niveau moléculaire jusqu’à la population en
passant par la cellule et l’organisme, ainsi que leur écosystème, c’est à dire
le système formé par les êtres vivants et l’environnement avec lequel ils sont
en interaction dynamique.
Le terme biodiversité met l’accent sur la diversité
biologique des êtres qui constituent la vie sur Terre vieille de près de 3,5
milliards d’années, en considérant leurs interrelations avec l’environnement.
Ce qui caractérise la biodiversité ce sont les
interrelations multiples et complexes des éléments entre eux et avec leur
environnement. Ces interrelations sont, dans une large mesure, des relations
« d’interdépendance » de nature symbiotique entre les éléments, qui
s’emboîtent en réseaux à tous les niveaux de l’arbre de vie. L’écosystème qui
enveloppe le tout est donc constitué de réseaux d’échange de matière, d’énergie
et d’information dont la vie de chaque élément dépend.
En première approche, trois niveaux de diversité et
d’interdépendance peuvent être identifiés : les milieux de vie et leur
population cellulaires (forêts, océans, étangs, …), les espèces qui vivent dans
ces milieux, et les individus au sein de chaque espèce avec leur particularité
génétique.
Du point de vue qualitatif, la richesse de la
biodiversité représente à la fois un patrimoine de portée culturelle
(esthétique, identitaire, …), une condition d’équilibre de fonctionnement des
écosystèmes, et des ressources (alimentation, médicament, oxygène, …) au
bénéfice de la vie humaine. L’état de santé de la biodiversité conditionne la
vie sur Terre, avec la richesse de la « diversité » pour critère essentiel de stabilité
et de résilience des chaines alimentaires (réseaux trophiques).
Du point de vue quantitatif, les indicateurs sont
divers et nombreux, sujets à controverse sachant qu’aucun ne permet
d’appréhender globalement l’état de la biodiversité qui représente de l’ordre
de 1 à 2 millions d’espèces répertoriées (de l’ordre de 16000 espèces sont
identifiées par an) sur l’estimation d’une dizaine de millions d’espèces qu’abriterait
la Terre. Mais ce dernier chiffre est fortement variable d’une estimation à
l’autre, et pourrait se situer entre 3 et 100 millions.
Aujourd’hui, cette biodiversité est sur la voie d’une
extinction massive, la sixième, après les cinq qui se sont produites depuis
l’apparition de la vie sur la Terre, du fait d’évolutions climatiques, de
l’activité volcanique et de l’impact de la météorite qui a conduit à la
disparition des dinosaures.
Sans que l’on puisse précisément mesurer le degré
d’avancement de cette sixième extinction, « Le taux d'extinction actuel
pourrait être de 100 à 1 000 fois supérieur au taux moyen naturel
constaté dans l'évolution récente de la biodiversité », et
« On
estime que des espèces décrites ou non décrites s’éteignent à un rythme
accéléré de 0,01 % à 1 % toutes les décennies ». Le
rapport du GIEC pour la biodiversité, paru en 2019, conclu à l’urgence de
conserver, au besoin restaurer, la biodiversité : « Le
dangereux déclin de la nature : un taux d’extinction des espèces « sans
précédent » et qui s’accélère ». La cause principale de
cette situation alarmante pointe l’activité humaine, sur fond d’évolution de la
population de la planète, avec la dégradation des milieux et habitats des
espèces (incendies, défrichement, pollution, prélèvements, urbanisation,
changement climatique, surexploitation des ressources, …).
L’état de la situation et sa criticité ont été actés
lors du « Sommet
de la Terre » (ONU) à Rio en 1992 qui a précisé la notion de
« développement
durable », accompagné d’une « Convention sur la diversité
biologique » qui vise sa conservation et son utilisation
durable. Depuis,
les instances de travail et d’action se sont multipliées. En 2012 a été créée
la « Plateforme
intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques »
qui a pour mission de mettre au service de l’action politique les expertises
scientifiques concernant l’état de la biodiversité, en même temps que renforcer
les liens de cohérence d’action entre les pays.
Au niveau européen, dès 1996, la réglementation a été
renforcée concernant des espèces sauvages en interdisant leur commerce ou en le
contrôlant. Une stratégie pour préserver la biodiversité a été mise en place en
2011. A noter, parmi le programme d’observation de la Terre, le lancement
(Agence Spatiale Européenne) prévu en 2022 (signature du contrat de lancement
annoncé en octobre 2019) pour une mission de cinq ans, d’un satellite
d’observation de la biomasse[6] de
la planète qui « fournira des cartes mondiales de la quantité de carbone stockée
dans les forêts du monde et de son évolution au fil du temps … pour mieux
comprendre le cycle du carbone et l’évolution des ressources
forestières ». Cette mission est un défi majeur pour
approfondir l’étude de ce qui relie l’action humaine, la biomasse, le climat et
la biodiversité, en complément des observations déjà réalisées depuis 2010.
« La France a renforcé son action en faveur de
la biodiversité en se dotant d’une nouvelle stratégie nationale pour la
biodiversité pour la période 2011-2020 ». Elle s’est munie d’un « Plan
biodiversité » en 2018 qui va de dispositions de préservation
de la nature à la recherche, à la formation et à l’éducation. Il s’agit d’une
« reconquête
de la biodiversité, de la nature et des paysages ». Le « Comité
national de la biodiversité », actif depuis 2017, met à
la disposition du gouvernement l’information nécessaire aux questions d’ordre
stratégique. La protection de la biodiversité comme le changement climatique
sont des priorités.
Parmi les prochains rendez-vous de la biodiversité il
y a le « Congrès
mondial de la nature » qui se tiendra en juin 2020 à
Marseille, et la COP 15 de la « Convention pour la Diversité Biologique » qui se
tiendra en Chine (Kunming) fin 2020, et lors de laquelle il est prévu d’établir
le cadre mondial de gouvernance.
[1] Terme
utilisé depuis les années 1980
[2] A
la suite des travaux du naturaliste français Jean-Baptiste de Lamarck. Mais
celui-ci cherchait à comprendre les mécanismes du vivant, ce qui amena
« la biologie », alors que Darwin avait surtout pour dessein de
soustraire les espèces de la Création.
[3] Formalisé
en 1950 par le biologiste allemand Willi Hennig
[4] Les
archées et les eubactéries, unicellulaires et sans noyau, forment les
« procaryotes ». Le vivant peut donc aussi être séparé en eucaryotes
et procaryotes : deux taxons.
[5] Etymologiquement :
du grec bios : « la vie » et logos :
« discours »
[6] La
biomasse est la matière organique qui peut produire une énergie durable