Mobilité et liberté ?
Les déplacements pour se rendre sur le lieu de travail sont des besoins prioritaires de mobilité de chacun pour assurer sa vie matérielle, son insertion sociale, voire son épanouissement.
Alors que les terres agricoles traditionnelles se situent généralement autour de la ferme, ou aux alentours du village, l’usine, née de l’industrialisation au XIXème siècle, a dû rapprocher le logement de ses employés de son lieu d’implantation pour leur permettre de s’y rendre avec la régularité nécessaire malgré l’absence de moyen de transport.
Le développement industriel, avec la production de masse, s’est accompagné d’un exode rural, et une large part de l’artisanat s’est éteinte dans les villages, au profit de développement de la classe ouvrière dans les villes.
Rapprocher l’habitat du lieu de travail a ainsi conduit au développement de lieux de vie à proximité des usines, c'est-à-dire des quartiers qui ont structurés l’urbanisation des villes concernées, en même temps que tout ou partie des employés était logé par l’employeur dans des cités dédiées (comme l’emblématique cité ouvrière du Creusot construite en 1826) implantées en périphérie immédiate de l’usine.
Le tissu industriel était essentiellement constitué d’usines (métallurgie, mine, textile, construction automobile, chemin de fer, armement, …), en partie nationalisées après la deuxième guerre mondiale, tandis que la population agricole était en régression avec l’accroissement simultané de la productivité, notamment par la mécanisation (de 6 millions en 1946 la population active dans l’agriculture est tombée à près de 2 millions en 1974).
Les conditions de vie et d’hygiène de ces logements ont progressé au fil du temps, et « l’habitat à bon marché » s’est développé à partir de la fin du XIXème siècle pour devenir « Habitation à Loyer Modéré » (HLM) à partir de 1949. Toutefois il y a encore beaucoup de logements inconfortables, voire insalubres, au début des années 1970, ce qui a conduit l’Etat a une politique ambitieuse du logement qui a dû aussi surmonter l’état de vieillissement des HLM.
A la fin des années 1950 Paris se singularisait par une forte
concentration d’industries. L’impérieuse nécessité de rééquilibrer l’activité
économique sur le territoire national a conduit à reconsidérer l’aménagement du
territoire à partir de 1960 (création de la DATAR en 1963) au profit de « métropoles
d’équilibre » en régions.
Les politiques publiques de soutien aux territoires ont intégré au
fil du temps l’évolution de la donne économique, nationale et internationale,
tournée vers la productivité au service de la compétitivité. La croissance économique
annuelle avoisine les 6% entre les années 1959 et 1970 avec une population
active[1] de
l’ordre de 19 millions d’individus au début des années 1960, et près de 27
millions aujourd’hui (soit un rapport à la population totale du même ordre de
grandeur).
Le développement de la consommation, soutenue par l’augmentation
du pouvoir d’achat (4,4% par an dans les années 1960), est allé de pair avec
l’accession généralisée à la mobilité par la forte progression de la diffusion
de l’automobile (mais aussi du deux roues) qui a fait passer, dans le même
temps (60-70), le taux d’équipement des ménages de 23% à près de 62%. La voiture individuelle offre la liberté de
se déplacer, de voyager, avec le développement du réseau routier, et nourrit
l’imaginaire en participant à l’identité de son propriétaire par ses
caractéristiques d’esthétique et de performance.
C’est dès 1900 que le réseau routier se
développe avec des voies recouvertes de bitume pour répondre aux besoins de
rapidité, de confort et de sécurité des déplacements des premiers véhicules
automobiles qui ont fait leur apparition à la fin du XIXème siècle. L’innovation
technique et technologique va bon train, le moteur électrique rivalise alors
avec le moteur à explosion (Inventé en 1860 par le belge Étienne Lenoir), mais
c’est ce dernier qui l’emportera face à l’utilisation de batteries au plomb
(Inventée en 1865 par le français Gaston Planté), très lourdes, qui
nécessitaient un temps de charge d’une nuit, et surtout face au développement
de l’extraction et du raffinage du pétrole pour la production du carburant.
Puis dans les années 1960 l’Etat lance la construction du réseau
autoroutier qui représente aujourd’hui près de 12000 km de voies. Le parc
français de véhicules est passé de 6 millions à la fin des années 1950 à 38
millions en 2010 avec un accroissement annuel qui s’infléchi depuis 1980 pour
se stabiliser autour de 39 millions en 2018, dont 32 millions de voitures de
particuliers.
Quant au transport routier de marchandises (TRM), 80% des
marchandises transite aujourd’hui par la route. Entre 1990 et 2017 le transport
routier intérieur, français et international, en tonnes/km, a augmenté de 56%
(dont 6,5% entre 2016 et 2017). L’informatique a permis d’optimiser la chaine
logistique (supply chain)
en réduisant les temps d’attente et en optimisant les stocks, pour augmenter la
productivité dans un marché en plein essor tiré par une forte demande de
rapidité et d’étendue géographique des livraisons.
Dans le même temps le transport ferroviaire a régressé de près de
40% (Insee 2019). Le transport routier intérieur représente aujourd’hui 8,8% du
PIB, avec une croissance estimée à 8% d’ici 2030, avec pour conséquence de
l’ordre de 70% de la consommation nationale de produit pétrolier (La Croix,
26/07/2019).
Depuis 2014, l’accompagnement en matière de projets d’aménagement concernant
le territoire et ses agglomérations est assurés par le « Commissariat général à
l'Égalité des territoires » (CGET), qui a succédé à la DATAR, et qui sera
remplacé en 2020 par « l’Agence nationale de la cohésion des
territoires » qui aura vocation à conseiller et soutenir les territoires
en matière de : logement, mobilités, transition écologique, ....
Vers les limites du modèle ?
L’occupation des cités à proximité immédiate des centres de
production a commencé à décliner à partir des années 1960. Peu à peu les cités
ont disparu, l’habitat s’est développé avec la construction de logements
sociaux
et les aides (prêts à taux zéro, APL, …) à l’accès à la propriété qui ont
accompagnées le droit à l’habitat inscrit dans la Loi en 1982. La maison
individuelle, le pavillon jusque-là réservé à une classe aisée, a connu une
expansion à partir des années 1970 en réponse à un désir d’individualisme et
d’identification.
A partir de 1991 la loi oblige les villes de plus de 200000 ha à
disposer de 20% de logements sociaux. Depuis le 13 décembre 2000 la loi relative à la « Solidarité
et au renouvellement urbain » (SRU) oblige les communes de plus de
3500 ha, situées en périphérie d’une agglomération urbaine, de disposer de 25%
de logements sociaux pour 2025. Cette disposition favorise l’extension des
villes par un phénomène de périurbanisation dont la tendance répond à
l’élévation du prix de l’habitat en ville et à un certain engouement pour
« la campagne », avec pour principal inconvénient d’augmenter le
besoin de mobilité dans la mesure où l’activité demeure concentrée dans et autour
des villes.
Mais cette
politique des territoires semble aujourd’hui s’infléchir : « La
périurbanisation aboutit à un allongement des déplacements au quotidien, à une
hausse des émissions de gaz à effet de serre, à une diminution et un mitage des
espaces naturels et agricoles et à l’irréversibilité quasi systématique de
l’imperméabilisation des sols » (Ministère de la Cohésion des territoires et des Relations
avec les collectivités territoriales).
Dans le même
temps (1960-2019) la population métropolitaine est passée de 45 millions d’ha à
près de 65 millions d’ha (avec une atténuation depuis 2015), tandis que la
structure économique évoluait dès les années 1960 vers les activités tertiaires
diversifiés avec une forte croissance des services marchands (non
financiers ; croissance 2,1% par an ; Insee 2016).
Le besoin de
mobilité n’a cessé de croître. Le besoin en Ile de France est estimé à 40
millions de déplacements par jour qui s’accompagnent d’embouteillages aux
conséquences nombreuses dont économiques : « L’État
Français perdrait 2,5 milliards d’euros à cause des bouchons franciliens
chaque année » (Wikipédia, Le Point, 29 octobre2012). Cette situation se retrouve dans une moindre mesure dans
toutes les grandes villes.
Au fond,
jusque dans les années 1960, qu’il s’agisse de la ferme, du village ou de
l’usine, c’est le lieu d’activité, source de vie, qui a déterminé l’habitat au
travers d’un lien qui a fait intervenir les deux facteurs de distance et de
surface.
A moyen
constant, l’étendue et la proximité de l’habitat rural correspondait à la
surface de terre à travailler, et la finalité du travail se confondait avec
celle de la vie à la ferme comme au village. La moisson comme les vendanges
étaient l’occasion de moment festifs qui animaient la vie de la communauté
essentiellement sédentaire. Le choix de vie était ancestral et étroitement lié
à une culture locale à forte valeur identitaire.
Avec
l’apparition de l’usine, le lieu de travail s’est dissocié de celui de la vie
sociale. Il fallait alors aller vers l’usine et s’ouvrir à une autre culture en
abandonnant de son identité essentiellement territoriale au profit d’une
identité davantage marquée professionnellement. Désormais on allait travailler
à l’usine, jusqu’à pouvoir s’en rapprocher en logeant à proximité, là où se
regroupaient tous ceux, venus de territoires différents, qui avaient trouvé un
emploi.
Dans les
années 1960, l’accès à la mobilité par l’acquisition et l’usage de la voiture
individuelle, a autorisé à loger plus facilement à distance de son lieu de
travail, brisant ainsi l’exigence de proximité immédiate habitat-travail. L’habitat
s’est développé dans les bassins d’emplois pour apporter la main d’œuvre aux
pôles industriels, devenus technopôles, mais avec un rapport de distance reposant
sur l’évolution des capacités de mobilité des agents. Ces pôles (pétrochimie,
aéronautique, automobile, …) se sont développés aux confluents de voies de
communication et de moyens de transport permettant d’assurer leur
approvisionnement en matière première.
Aujourd’hui,
le nombre d’entreprises en France est de l’ordre de 2,3 millions, avec 250
grandes entreprises, 144000 PME et ETI, le reste (près de 2 millions) étant des
microentreprises, essentiellement dans le secteur tertiaire et la construction.
Les grands groupes emploi 27% des salariés tandis que les microentreprises en
représentent 19% (Insee 2017), et son en plein essor.
Sur le
territoire métropolitain, le travail se trouve, pour une large part, disséminé,
comme le logement. La mobilité est au fondement de la vie sociale de chacun
comme de la collectivité au travers des besoins de l’économie : « Un
français parcourt en moyenne aujourd’hui 45 kilomètres par jour, soit 9 fois
plus qu’il y a 50 ans ». La mobilité répond aussi au désir de liberté
d’aller et venir, nourri d’individualisme. Toutefois, la voiture, qui portait jadis
l’image de cette liberté, a vu cette image se ternir par l’obligation de son
usage que l’organisation sociale a fait naître, devenant à la fois une
contrainte, une source de désagrément et de perte de temps dans les
embouteillages alors même que la valeur « temps » n’a jamais été
autant appréciée dans la vie de chacun comme dans l’économie, eu égard aux
nouvelles technologies de l’information et de la communication, et face à la
quête permanente de productivité.
Dès lors la
« liberté » conquise pour dépasser les limites humaines et « se
rendre maître et possesseur de la nature », se retourne contre l’Homme
et la collectivité en pesant sur l’activité économique, mais plus encore, en prenant
une part significative, via l’usage des véhicules consommant des hydrocarbures,
à la détérioration du climat par les émissions de CO2 qu’ils occasionnent.
Quel prix à
payer ?
Au niveau
européen le transport représente 30% des émissions de CO2, dont 72% provient du
transport routier (site parlement européen). En France, le transport est
responsable de 38% du CO2 émis (2017).
La fonction
« mobilité » est tout autant liée à la notion de « temps »,
pour ce qui est de la décision de se mouvoir entre deux lieux géographiques à
un instant donné librement choisi, prévisible ou non, que de durée, pour ce qui
concerne la mesure du temps consacré à effectuer le parcours. Ce qui conduit à
considérer deux valeurs : d’une part la disponibilité du moyen de
transport, et d’autre part, le temps de transport. La performance
opérationnelle de la fonction « mobilité » se mesure donc à l’aune de
ces deux valeurs. La performance économique fera intervenir le coût du transport,
tandis que la performance écologique traduira la quantité de CO2 émise par le
moyen de transport durant le trajet.
Cette
fonction « mobilité », considérée au niveau d’un individu, repose sur
l’emploi d’un moyen pour se déplacer, la marche ou un véhicule individuel ou
collectif. De manière générale, lorsqu’il s’agit d’un véhicule (vélo, voiture,
bus, train, avion, …) on parlera de moyen de transport. Le moyen, lui-même, en
tant qu’objet par lequel la fonction « mobilité » peut s’accomplir,
fait naître une nouvelle fonction de « prestige », qui s’évalue
qualitativement au regard d’un niveau social et d’une culture. Il s’agit là
d’une fonction induite qui reflète un mode de vie et qui trouve une résonnance
en termes de confort. L’existence de cette fonction « prestige » est
une expression de la nature humaine. C’est à cause d’elle que les premiers
Hommes qui ont taillé la pierre pour obtenir un tranchant, ont aussi donné à
l’objet taillé une forme symétrique ogivale qui n’avait d’intérêt que d’être agréable
à l’œil (la définition du « beau » selon Emmanuel Kant).
Dans la
sphère privée, notamment, cette fonction « prestige » se superpose à
la fonction « mobilité » en guidant les choix de consommation. Elle
draine les rêves du consommateur depuis la performance mécanique jusqu’à
l’esthétique, le niveau de confort auquel il aspire, et nourrit en retour sa
satisfaction. Son importance est fortement liée à l’image que le consommateur a
de lui-même, de la société, et de lui-même au sein de cette société. Cette
fonction de « prestige » a une dimension symbolique et participe de
l’identité du consommateur. Ainsi, les constructeurs d’automobiles redoublent
d’efforts de séduction dans leur marketing commercial. Les ventes de « sport
utility vehicule » (SUV), ou autre « crossover »,
produit du « métissage » entre SUV et berline, en sont un
exemple emblématique, parmi d’autres. Les rêves du consommateur sont forgés et
entretenus par une présentation anticipée de deux ou trois ans des véhicules à
paraitre sur le marché et de leurs toujours plus luxueux appareillages. Les
ventes de ces véhicules vont croissantes alors qu’ils émettent davantage de CO2
qu’une berline, tant pour être produit que durant de leur utilisation.
Alors que
l’an 2000 offrait jadis un futur porteur de rêves insensés, l’aube du troisième
millénaire nous plonge dans une réalité elle-même insensée, par laquelle la
créativité de l’Homme est en passe de se retourner contre lui-même et sa propre
existence, jusqu’à lui signifier son extinction promise par les
avertissements du dérèglement climatique !
Mais voilà,
les émissions de CO2 sont intrinsèquement liées au développement économique et
social qui a permis à l’Homme de s’émanciper des rudes conditions que lui
réservait la nature, en puisant dans les ressources terrestres, pour atteindre,
bien qu’inégalement sur la planète, un « meilleur » confort de vie
matérielle.
Le
développement de « l’esprit » a permis de maîtriser la
« matière » grâce à la « Raison », au profit du « corps »
dont les manifestations de ressentis rejoignent celles de
« l’esprit » au travers du concept de confort. La vie (du corps et de
l’esprit) est devenue plus confortable, notamment grâce à l’hygiène, l’alimentation,
la médecine …, en même temps que les statistiques révèlent un allongement
important de la durée de vie : l’espérance de vie à la naissance est de
l’ordre de 80 ans aujourd’hui alors qu’elle ne dépassait guère 37 ans en 1900.
N’y a-t-il
pas là un lien entre la mobilité et la durée de vie ? Comme il y a un lien
entre la consommation d’hydrocarbure et le PiB. Quant
au lien entre la durée de vie et le PiB l’intuition
l’accepte assez facilement.
Un regain
d’humour pourrait soutenir l’intuition pour confirmer que « bouger tient
en forme » !
Mais c’est à
un tout autre niveau que se situe la problématique. Nous pourrions continuer à
nous interroger ainsi sur les liens entre les nombreux paramètres qui
déterminent aujourd’hui notre existence, pour conclure que nous sommes, chacun
de nous, élément d’un système complexe (ou de systèmes complexes
interconnectés), dont les limites se rapprochent de celles de la planète
mondialisée, de mieux en mieux « optimisé » par ce que lui offre la
technologie comme moyen de maîtriser la « matière » par la
quantification, ou la « numérisation » de la vie (dans le sens de
l’usage du nombre pour mesurer et gérer), mais aussi et surtout, par les
comportements de chacun qui se sont simultanément adaptés à la matérialité de
la vie avec l’évolution de la culture. Nous sommes au cœur de réseaux
d’interdépendances qui prolongent par l’artefact le tissu de biodiversité
produit par la nature.
C’est d’abord
au niveau de la « culture » que se trouvent les déterminants de
l’existence dans la mesure où la consommation a dépassé le stade de la réponse
aux besoins de subsistance pour accéder à la satisfaction des désirs. Ces
désirs suivent des goûts et des modes qui s’insèrent dans une culture en la
faisant évoluer. Mais les changements culturels ne sont pas spontanés. Ils ont
été jusque-là induits par l’innovation dans les différents secteurs de
l’économie (l’automobile, … le smartphone, le SUV, …), confrontée à la seule
loi du marché dont les politiques publiques ont assuré les régulations
nécessaires de leur déploiement et de leur usage. L’encadrement éthique (Comité
Consultatif National d’Ethique, pour les sciences de la vie et la santé) étant
essentiellement réservé à des sujets touchant directement la vie.
L’urgence à
réagir face au dérèglement climatique, qui découle d’une situation inédite dans
l’histoire de l’humanité, appellent des mesures à la hauteur des enjeux pour la
planète qui interrogent désormais l’éthique liée à la conservation de la vie.
Un besoin
incontournable ?
La fonction
« mobilité » et sa fonction induite « prestige » sont à examiner
dans ce cadre, ce qui revient à dire que la fonction induite, ou secondaire,
devient un facteur clé d’évolution, dont la portée est, par l’entremise des
interdépendances du système, généralisable.
C’est parce
que l’industrie produira des « moyens verts » pour répondre aux
besoins de mobilité en accompagnant leur mise sur le marché d’une communication
adaptée, dans un contexte sensibilisé par de nouvelles valeurs (préservation de
la nature), qui leur accordera un nouveau « prestige », que les
« esprits » évolueront en intégrant la nouvelle culture naissante.
Les
solutions de mobilité envisageables au niveau individuel, dont la fonction
« prestige » pourra s’emparer pour induire une évolution culturelle,
sont de deux types :
-
Réduire le besoin de mobilité : les solutions telles que
le rapprochement logement-travail, le télétravail dans le domaine
professionnel, et un comportement de sobriété de déplacement dans la vie privée
par une organisation adaptée,
-
Réduire l’empreinte carbone induite par le moyen utilisé
: les solutions telles que la marche ou le vélo pour les petits trajets
professionnels ou privés, le covoiturage, les transports en commun, ou de
nouveaux véhicules non polluants.
Pour que ces
solutions trouvent toute leur efficacité, il faut qu’elles soient soutenues par
une convergence de politiques publiques concernant les infrastructures
routières, le logement, les transports en commun, et la fiscalité par la taxe
carbone. Par exemple, lorsque le télétravail n’est pas possible, la maîtrise
des prix du logement dans le cœur des villes éviterait l’exode vers une
périphérie lointaine et l’engorgement régulier des voies d’accès qui en
découle, par les véhicules des personnes s’y rendant pour leur activité
professionnelle. En cohérence, les efforts largement entrepris en matière de
transport en commun peuvent être poursuivi en s’affirmant comme le moyen de
transport privilégier (bus, train, …). De même que l’aménagement des
infrastructures pour faciliter les déplacements à vélo, ou simplement à pieds. Les
solutions de mobilité existent, et sont à déterminer par une réflexion
davantage locale que globale, sachant que la mobilité doit faire face à des
lois non négociables avec la nature… jusqu’à ce que la téléportation devienne
une réalité …
Quoiqu’il en
soit nous aurons du mal à nous séparer facilement et rapidement de l’automobile
qui a fondé à la fois nos réflexes de vie, l’organisation de la société et le
fonctionnement de l’économie, en même temps que sa production est une source
conséquente d’emplois. Dans de nombreux territoires hors des villes, la dépendance
à l’automobile demeure très forte devant tout autre moyen comme les transports
en commun ou le covoiturage : « 9 français sur 10 utilise
régulièrement la voiture pour se déplacer ». L’air du temps porte le
ferme volonté, tant des industriels que de la puissance publique, de trouver
les moyens technologiques de perpétuer « le véhicule automobile » comme
réponse au besoin de mobilité individuelle dans une version compatible des
enjeux climatiques, sachant qu’il devra être associé à une évolution des comportements
pour réduire aussi les nuisances induites par l’encombrement des routes et
leurs effets pervers.
Quelle solution ?
Aujourd’hui,
pour la voiture, les solutions qui apparaissent pour remplacer les véhicules
consommant des hydrocarbures et rejetant du CO2, reposent essentiellement sur
la technologie du moteur électrique, alimenté, soit par une batterie
rechargeable, soit par une pile à combustible.
La pile à
combustible peut fonctionner avec de l’hydrogène ou un autre « combustible
réducteur », mais seul l’hydrogène est « vert » dans son
utilisation car il ne rejette que de l’eau. Par contre la production
d’hydrogène nécessite de l’énergie électrique ce qui interroge sur le rendement
global et la nature de la source d’énergie qui doit être renouvelable. De plus
le transport et le stockage de l’hydrogène nécessitent des réservoirs
volumineux au regard de la place disponible dans un véhicule et du besoin
d’autonomie. Des expérimentations sont réalisées pour des bus et des poids
lourds. Toutefois, le coût de production est important, et les infrastructures
pour le ravitaillement encore insuffisantes. Quant au déploiement de cette
technologie pour la voiture individuelle, bien que « zéro émission »,
elle ne peut être envisagée que dans un avenir qui pourra offrir, avec des
adaptations technologiques, des conditions de production/distribution/stockage
d’hydrogène économiquement et écologiquement rentables.
La recherche
des solutions pour la voiture se tourne donc vers le moteur électrique alimenté
par une batterie. La solution alternative présentée par une motorisation
hybride « électrique et fossile », avec diverses variantes, apparait
davantage comme une solution de transition peu pérenne. Toutefois, son statut
au sein des solutions d’avenir n’est pas vraiment stabilisé, bien que les
constructeurs aujourd’hui se tournent préférentiellement vers le tout
électrique à batterie.
Les moteurs
électriques généralement utilisés sont à courant alternatif triphasé. Ils sont
de deux types : le moteur asynchrone et le moteur synchrone. Le moteur comporte
un rotor mis en mouvement par l’effet du champ magnétique tournant produit par
le stator. Les deux types peuvent être utilisés en mode moteur ou générateur
pour recueillir de l’énergie en phase de freinage. Le fonctionnement de ces
deux moteurs se différencient par le mode d’entrainement du rotor déterminé par
sa structure électrique.
Le moteur
asynchrone est robuste et d’un faible coût mais aussi d’un rendement réduit,
autour de 75% alors que le rendement théorique d’un moteur électrique seul est
plutôt supérieur à 90%. Sans connexion entre rotor et stator, le couple qu’il
fournit est lié à l’écart de synchronisme entre la vitesse de rotation du rotor
et le champ magnétique tournant induit par le stator, nommé
« glissement », qui nait de la charge à laquelle il est couplé. L’augmentation
du glissement produit le couple mécanique et réduit le rendement. Très utilisé
pour toutes sortes de moyens industriels, les constructeurs automobiles lui
préfèrent souvent le moteur synchrone.
Le moteur
synchrone possède un rotor constitué d’aimants permanents, qui utilisent
généralement des « Terres rares », ou bien un bobinage alimenté par
du courant continu, ce qui nécessite alors un contact électrique tournant. Sa
vitesse de rotation est déterminée par la fréquence du champ tournant produit
par le stator, et a donc besoin d’un pilotage en fréquence, notamment pour le
démarrage. Les constructeurs d’automobiles utilisent généralement l’une ou
l’autre de ces deux technologies, en réservant les moteurs asynchrones aux
véhicules hybrides.
Le rendement
énergétique global de la voiture électrique est près de trois fois supérieur à
celui d’une voiture thermique. La consommation d’une voiture électrique se
mesure en kilowattheure (KWh) au 100 kilomètres, et sa valeur se situe entre 15
et 20 KWh. Cette énergie est fournie par une batterie.
Le
fonctionnement d’une batterie repose sur un couple électrochimique qui met en
œuvre deux électrodes, l’anode et la cathode, séparés par un électrolyte.
C’est le
couple lithium-ion (Li-ion) qui est aujourd’hui le plus utilisé parce qu’il
offre le meilleur compromis entre énergie-masse de la batterie. L’électrode
positive (cathode pour un générateur, là où entrent les électrons) est
constituée d’un oxyde à base de lithium (différentes compositions possibles), et
l’électrode négative est constituée de graphite, tandis que l’électrolyte
contient des sels de lithium. Les « ions » de lithium ont la
propriété de céder facilement un électron.
Le lithium
n’existe pas à l’état natif dans la nature, il est extrait de composés minéraux
dont les principaux gisements sont en Amérique du sud, en chine et en
Australie.
La densité
d’énergie massique d’une batterie utilisant le couple Li-ion est de l’ordre de
0,5 MJ/kg (soit environ 140 wh/Kg), contre 48 MJ/Kg (soit
environ 13300 wh/Kg) pour l’essence, ce qui traduit
le difficile compromis entre la masse de la batterie et l’autonomie de la
voiture. Une batterie est constituée de modules comprenant des cellules
interconnectées qui, ensembles, emmagasinent une énergie de l’ordre de 40 à 100
kWh pour des autonomies allant de 200 à 400 km à pleine charge selon la taille
des véhicules, le type de conduite, ... La sécurité de la batterie est
assurée par un module de surveillance « Battery Management System (BMS) ».
Le nombre de charge-décharge est compris entre 500 et 1000 cycles. Le temps de
charge de la batterie est de l’ordre de 6 heures avec une possibilité de charge
rapide qui permet d’obtenir 80% de la charge en environ 30 minutes. La
consommation moyenne d’un véhicule électrique est comprise entre 10 et 20 kWh
au 100 km, tandis que le prix du kWh est de l’ordre de 0,13 euro, soit un coût
de 2,6 euros pour 100 km, comparé à 8 à 10 euros pour un véhicule à essence. Le
prix des batteries baisse d’année en année, et s’élève à environ 140 euros du
kWh (BloombergNEF). L’Alliance Européenne de la Batterie (AEB) crée en 2019, pour
doter l’Europe d’une filière « batterie », devrait contribuer à
réduire les coûts de production.
Cependant,
l’utilisation d’un véhicule électrique nécessite une adaptation comportementale
pour gérer les contraintes liées à son autonomie encore limitée, et au temps
nécessaire pour recharger, ce qui est encore un frein à sa diffusion, malgré le
« bonus écologique » qui attribue à l’acheteur, pour un véhicule ne
dépassant pas 20 grammes d’émission de CO2/km, une prime de 6000 euros à
l’achat. De plus la diffusion des bornes de recharge est encore limitée, et
l’installation d’une borne à usage privé au domicile, notamment pour un usage
nocturne, rencontre l’écueil des habitations collectives où une implantation
personnalisée n’est pas accessible, du moins aujourd’hui. A cela s’ajoute le
besoin en énergie appelée et la capacité de distribution (le réseau) avec une
forte concentration la nuit.
A noter que
les mesures de consommation et d’émission sont soumises au protocole WLTP (Worlwide harmonized Light vehicule Test Procedure) qui a
une portée mondiale et qui définit les conditions d’essais et de mesure.
Aujourd’hui,
de nouveaux espoirs apparaissent pour augmenter l’autonomie des batteries en
utilisant le couple lithium – soufre (cathode en soufre et anode en lithium),
deux fois moins lourds avec un objectif de 600 Wh/Kg. Le projet européen Lisa (Lithium
Sulfur for Safe Electrification), lancé le 1er
janvier 2019, devrait permettre de doubler l’autonomie des véhicules électriques
d’ici 2030.
Quelle perspective ?
Aujourd’hui,
l’organisation de la société, de ses infrastructures comme de ses institutions,
et le fonctionnement de l’économie qui s’y insère et en découle, reposent pour
une large part sur la mobilité individuelle à laquelle la voiture a répondu, en
même temps que celle-ci satisfait des désirs individuels dont la diversité est
le reflet des goûts et des moyens des consommateurs auxquels le marché apporte
des réponses.
La possession
et l’usage de l’objet « voiture » est profondément ancré dans la
culture, et la valeur économique de la mobilité qu’il permet a quasiment disparu
de la conscience de chacun, notamment sous l’effet du « faible » coût
du pétrole, au profit de ce à quoi elle permet d’accéder, dont des déplacements
vitaux lorsqu’il s’agit d’aller « gagner sa vie ». Les derniers
mouvements sociaux en apportent l’illustration.
La
saturation du trafic agit à la fois comme un régulateur des déplacements, voire
du choix des moyens de transport, et comme un facteur d’exaspération des
usagers de l’automobile, avec au final une déperdition de temps et d’énergie en
passe d’obérer les résultats économiques.
L’implication
maintenant établie entre l’usage des moteurs à combustion de carburant fossile et
le dérèglement climatique est de nature à réveiller les consciences des
automobilistes, mais rien ne semble pouvoir se produire de véritablement
bénéfique au plan écologique sans une offre accessible de « véhicules
verts » à usage individuel.
Le niveau
actuel de prise de conscience de la situation par les usagers, amorce une
évolution des comportements qui trouvera son expansion avec le développement du
véhicule électrique accompagné de mesures d’aménagement du territoire,
dont : « L’étalement des villes entraîne l’artificialisation des
sols et éloigne les populations de l’accès à l’emploi et aux services.
Conscients de ces enjeux la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové
(Alur, 2014) renforce le principe d’une utilisation économe des espaces »
(Ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les
collectivités territoriales).
L’échelle de
temps dans laquelle s’inscrivent les changements en cours concernant la
mobilité, qui toucheront à la fois les moyens et les comportements, est à la
mesure de l’objectif « zéro CO2 en 2050 », avec notamment un
possible déploiement d’un véhicule électrique opérationnel et économiquement
accessible vers 2030.
[1]« Le 7 mars 1962, la population active disponible
s'élevait à 19 743 000 et celle ayant un emploi à 18 956 000 » Toutefois, les comparaisons sont rendues difficiles
en raison de l’évolution de la définition de « population active ».