L’entrepreneuriat : et après … quel regard pour rebondir ?

Résumé : face à la gravité de la situation, l’Etat amorti la chute financière de l’entreprise par des mesures inédites. Face à un avenir qui reste à écrire l’entreprise doit retrouver en elle-même les ressorts d’un rebond à venir, alors que l’économie et le marché ne lui parlent plus. De quel phare peut disposer l’entreprise pour percer l’épaisseur de la nuit du présent et se projeter pour rebondir ? Une déclinaison ternaire : un état d’esprit, des principes, des orientations.

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La gravité de la situation économique de récession, nationale et mondiale, actuelle et à venir, conduit à s’interroger sur les conditions du nécessaire rebond de l’entrepreneuriat pour sauver notre niveau de vie, pour soutenir ceux qui sont en difficulté, et pour refonder l’espérance d’un avenir meilleur. C’est l’affaire de chaque entreprise (action d’entreprendre) et de toutes.

« Il faut y croire … », c'est-à-dire élaborer un nouveau discours, une nouvelle idéologie (au sens premier du terme : système d’idées) apte à donner du sens au présent de l’action individuelle pour un résultat collectif à venir.

Il s’agit de bâtir son propre storytelling à l’image d’une prophétie autoréalisatrice, porteuse d’un effet Pygmalion propre à stimuler toutes les potentialités de l’entrepreneuriat promises à un renouveau.

D’une certaine manière, l’effet de la pandémie covid19, c’est de fusionner (à nouveau) les pensées économiques et philosophiques dans le creuset de notre présent, jusqu’à nous conduire à nous réinterroger sur le sens de l’action collective. Certes la question s’est posée à plusieurs reprises depuis Adam Smith et la pensée libérale portée par la valeur travail dans un marché équilibré par la « main invisible », … Joseph Schumpeter et la destruction créatrice qui traduit le rôle de l’innovation portée par l’entrepreneur, … John Maynard Keynes promouvant l’action de l’Etat-providence et les plans de relance… en accordant une prééminence à la « demande » sur « l’offre ».

Le présent fait apparaître un vide d’activité dans lequel les entreprises chutent toutes de la même façon, selon la même loi, celle-là même contre laquelle elles déployaient tous leurs efforts pour tenir leur position sur le marché. Cette « loi de la gravité » (cette fois de la chute des corps) règle alors leur destinée dans la physique des forces financières qui met à mal leur actif circulant, assèche leur trésorerie.

Face à cette crise inédite, l’Etat tente d’amortir la chute avec un plan de soutien aux entreprises au montant faramineux, assortie de mesure de report de charge et de chômage partiel, tandis que l’Europe travaille à un plan de relance communautaire.

Au présent l’entreprise est conduite à suivre la situation de son écosystème au jour le jour, en s’informant pour s’adapter dans un monde où la fiabilité de la prévision s’est évanouie jusqu’à devoir se méfier des prédictions explicites ou implicites qui ne manquent pas d'apparaître, tant le besoin de se projeter et d’espérer, est prégnant parce que fondamental pour l’existence-même de l’entrepreneuriat.

Toutes les entreprises ne sont pas égales devant la situation, selon, notamment, leur taille, leur domaine, et leur structure juridique, organisationnelle, et financière. Leur agilité aujourd’hui conditionne leur résilience de demain.

Cette agilité c’est d’abord celle qui consiste à se mettre en situation de bénéficier des aides pour contenir les effets de l’impact.

L’ensemble des mesures du gouvernement sont présentées sur le site du minefi :

https://www.economie.gouv.fr/coronavirus-soutien-entreprises

Une fiche en donne une synthèse.

https://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/2020/Coronavirus-MINEFI-10032020.pdf

« Un plan de soutien d’urgence aux entreprises », avec des prêts garantis par l’Etat, est présenté sur le site de bpifrance.

https://www.bpifrance.fr/A-la-une/Actualites/Coronavirus-Bpifrance-active-des-mesures-exceptionnelles-de-soutien-aux-entreprises-49113

La crise covid19, d’ampleur mondiale, est systémique, profonde et durable. Elle va induire un changement de paradigme économique, et sociétal dont la perception nous plonge dans les affres des effets d’un niveau inégalé d’incertitudes multiformes. Cela a d’abord pour conséquence de faire naître l’exigence de trouver davantage dans le présent de chaque entreprise les germes d’une nouvelle dynamique, d’un projet nouveau, que dans le mouvement général de l’économie et du marché, lesquels pour un temps, au moins, ne parlent plus guère.

Alors la question se pose du regard à porter sur le présent de l’entreprise propre à lui insuffler un rebond. Ce regard, aux risques kaléidoscopiques, pourrait tirer quelque avantage en prenant appui sur « l’état d’esprit », les « principes » et les « orientations » déclinés ci-après selon le mode ternaire (qui est celui de la valse) :

Un état d’esprit

-         Considérer que « l’après » a débuté et qu’il convient de s’adapter à un environnement nouveau, encore inconnu, où règne l’impermanence, fait de davantage d’incertitude. Il ne s’agit pas d’un simple défi à relever, d’un cap à passer, mais plutôt de s’installer dans la durée, et d’être résilient,

-         S’attacher à générer autour de soi, dans son écosystème, de la confiance, en misant sur des relations durables qui mettront en valeur la bienveillance et la solidarité,

-         Placer au centre de sa réflexion sur l’avenir la gestion des risques en concevant et en analysant des scénarios d’activité pessimistes pour son entreprise, et des stratégies d’urgence pour y répondre.

Principes

-         Se mettre en situation de décider en réactivité face à un environnement changeant, en acceptant que « l’ordre » puisse être suivi d’un « contrordre ». L’objectif est d’assurer une cohérence suivie entre l’action et la réalité changeante du contexte qui la motive, d’éviter retard et contretemps. Cela demande notamment une communication renforcée et continue dans un climat où règne la confiance avec tous les collaborateurs,

-         Favoriser la diversité des idées, et des points de vue, dans un élan de tolérance renforcé, indispensable pour saisir des signaux faibles lorsque la visibilité est inexistante, face à l’incertain, et nourrir ainsi la décision en se gardant d’une tendance à un consensus paralysant,

-         Agir avec pour objectif que le résultat de son action puisse avoir une portée universelle. Il s’agit là, notamment, de s’assurer que l’action suit les recommandations et les règles édictées par le collectif, en l’occurrence les orientations institutionnelles.

Orientations

-         Intégrer les aides étatiques à la pérennité de l’entreprise, s’informer, se faire accompagner, et mettre en place les dispositions pour en assumer les conséquences : chômage partiel, remboursement de prêts, …

-        « Apporter sa pierre à l’édifice », c'est-à-dire revisiter la place de l’entreprise dans son écosystème en termes de capacité à répondre à une « demande » fondée sur de réels besoins, et une vraie valeur ajoutée. Développer les capacités propres à les appréhender, et ne pas tarder à « pivoter » pour réajuster son « business model » si cela s’avère nécessaire,

-         Mettre en place des indicateurs de « contrôle de gestion » adaptés aux fortes variations, centrés sur l’essentiel pertinent, et tracer, mémoriser, pour capitaliser sur les problématiques rencontrées et les solutions apportées jusqu’à pouvoir établir des protocoles et procédures d’urgence qui serviront ultérieurement.

Fernand Maillet