« Vers la renaissance industrielle »
Cet article est directement issu du livre « Vers
la renaissance industrielle » (collection Lignes de repères) dont les
auteurs sont Anaïs Voy-Gillis et Olivier Lluansi.
Mais il n’en constitue ni un résumé, ni une synthèse,
et sa rédaction n’engage que son auteur. En d’autres termes, l’accès à
l’étendue des connaissances que le livre présente et à la richesse de la
réflexion qu'il développe, ne sauraient faire l’économie de sa lecture.
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Alors que frémissait la reprise de l’emploi industriel
en France, le monde est frappé par le covid19.
La tendance positive enregistrée durant les deux
dernières années semblait montrer un tournant vers une nécessaire renaissance
portée par trois révolutions : la numérisation, la transition écologique,
les nouveaux métiers et l’employabilité.
Depuis les années 1970 la mondialisation de l’économie
a contribué à la fragmentation des chaînes de valeur et à la délocalisation de
certaines activités industrielles vers des territoires plus favorables pour
gagner en compétitivité, en contribuant à la tertiarisation de l’économie.
Mais la question du développement d’une industrie
post-industrielle, tournée vers les services, est revenue en force à partir de
2008 en montrant les limites de la désindustrialisation. Dés
2012 le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) porté par un
discours politique fort a tenté d’inverser la tendance, mais la part du secteur
industriel dans le PIB demeure encore à hauteur d’environ 10% alors que la
moyenne en Europe est de l’ordre de 20%.
Toutefois, la question de l’activité industrielle ne
peut être traitée isolément des objectifs économiques et sociaux qui président
aux élans nationaux : « On ne réindustrialise pas simplement
pour réindustrialiser. Une nation se réindustrialise lorsqu’elle poursuit un
dessein dont l’industrie est un levier ».
Le rôle de l’industrie est de participer à la vie du
pays avec une ambition de cohésion sociale et territoriale, dont la portée et
l’efficacité dépendent de son image dans l’inconscient collectif. Dans cette
optique, un nouvel imaginaire est à construire par un discours
ambitieux : « Une ambition collective doit permettre de
relier un futur rêvé et un héritage assumé ».
Ce défi doit s’appuyer sur un nouveau paradigme qui
prend acte des réalités : la fin de la croissance du commerce
international, la valeur fondamentale de l’innovation, les nouveaux modes de
consommation, la nouvelle donne écologique.
Reste que l’activité industrielle, en tant
qu’opération de transformation de la matière, doit se repositionner par rapport
aux activités de service, qui tendent à se structurer et à s’organiser selon un
mode industriel : industrie du tourisme, industrie de la finance, … Ce
déplacement est favorisé par le numérique jusqu’à la robotisation de la
production de produit informatique tels que cloud, data center, … Ainsi la
distinction entre produit industriel et service perd de sa netteté, pour
converger vers une « économie de la fonctionnalité » rendu
possible par l’accès à une grande diversité de données permettant d’anticiper
les comportements des usagers et de gérer la vie des objets, le tout grâce aux
possibilités de la modélisation. La voie est ouverte pour personnaliser la
fonction, l’usage et la tarification. Reste à relever le défi d’offrir le
produit ainsi personnalisé au prix permis par la production à grande
échelle : « personnalisation de masse ». Une partie de la
réponse tient au fait que les services appellent moins de capitaux pour des
gains de productivité accrus.
Ainsi se dessine une nouvelle industrie (dite 4.0)
dans laquelle produit et service s’hybrident selon de nouveaux axes
technologiques : la réalité virtuelle, les robots, le big data, l’internet
des objets, la réalité augmentée, l’intelligence artificielle, le cloud, la production
additive …
Quant à l’usine, ses contours eux-mêmes deviennent
flous au sein d’une typologie qui s’oriente désormais vers : les
méga-usines à vocation mondiale, les usines intermédiaires à vocation
régionale, et les usines modulaires orientés vers les biens de consommation sur
mesure.
Ces perspectives, si elles laissent entrevoir des
destructions d’emplois dans l’économie actuelle, elles sont aussi porteuses de
création de nouvelles activités et d’emplois, avec une certitude, celle que
l’Homme demeurera au cœur de l’activité, l’usine sans homme et femme ayant
abouti à un échec. Mais l’évolution se fera au prix d’un investissement
important en formation aux nouveaux métiers, à prendre en compte à la fois par
le système éducatif, et par les entreprises en se saisissant directement de
l’apprentissage.
Les réalités du monde, faites de rapports de forces,
et notamment la guerre commerciale entre les USA et la Chine, les « routes
de la soie », …, doivent inviter l’Europe, et ses nations, à reconsidérer
leur positionnement en matière de concurrence et de protectionnisme, comme de
(re)localisation des chaînes de valeurs essentielles à la souveraineté.
Dans cette optique, et au plan national,
l’attractivité des territoires est au cœur des priorités pour que naisse une
nouvelle industrie qui pourra trouver les ressources de compétences à hauteur
de ses besoins, et ainsi, jouer pleinement son rôle : « Cette
renaissance de l’industrie passera par la construction d’un nouvel imaginaire
national où y travailler ne sera plus symbole d’un échec scolaire, mais celui
d’opportunités professionnelles choisies, émancipatrices et porteuses d’un
sens, individuel et collectif. »
Fernand Maillet
http://creatif-pour-innover.fr/